Maintenant que nous avons passé le lâcher solo, nous allons commencer la plus grosse partie de la formation PPL : la Navigation Aérienne. Nous allons préparer notre première nav entre LFMT (Montpellier) et LFNU (Uzès) en découvrant la navigation à l’estime et par cheminement.
Briefing : Les bases de la navigation à vue (VFR)
Aujourd’hui nous commençons par un long briefing de 2h car il y a beaucoup de choses à savoir sur la navigation d’un point de vue théorique. Je vais énumérer chaque point que nous avons vu, sans complètement rentrer dans le détail. J’approfondirai ces points lors des cours suivants.
Navigation par cheminement
La navigation par cheminement est très simple. Elle consiste à suivre des repères tels que des routes, rivières, lignes à haute tension, chemins de fer… Ces repères sont facilement identifiables sur les cartes de navigation.
L’inconvénient de la méthode à cheminement, c’est que ce n’est pas le chemin le plus court et donc pas le plus rapide. Il peut aussi avoir un risque de confusion si les repères choisis ne sont pas facilement reconnaissables. Par exemple choisir une route dans une zone urbaine.
Navigation à l’estime en avion
La navigation à l’estime (Dead Reckoning en anglais) est l’une des plus vieilles techniques. Avant d’être utilisée en aéronautique, ce sont les marins qui effectuaient des traversées avec cette méthode.
La technique est relativement simple. On rallie un point A à un point B en ligne droite. On s’appuie sur une montre, une carte, une boussole et la vitesse de l’appareil. En connaissant la position, l’heure de départ, le cap et la vitesse de l’avion, on peut très simplement déterminer où devrait être l’appareil quelques minutes plus tard. Si ce n’est pas le cas, on corrige.
L’estime est la méthode la plus rapide car elle empreinte le chemin le plus court. En revanche elle peut être plus difficile à pratiquer, car elle repose sur le fait que le pilote maintienne son cap et sa vitesse. Dans le cas contraire, il subira une dérive plus ou moins importante et donc pourra facilement se perdre.
La navigation par cheminement est toujours utilisée même avec une navigation à l’estime. Le pilote regarde en permanence à l’extérieur pour toujours essayer de se situer sur la carte.
Matériels à avoir en navigation
Lorsque l’on part en navigation, il est obligatoire d’avoir certains éléments à bord de l’avion. Ils peuvent être demandés lors d’un contrôle.
- Montre
- Boussole hors conservateur de cap (les avions en sont généralement équipés)
- Carte VFR 1:500000e
- Le Log de Navigation (Nav Log)
- Les papiers de l’avion
Cartes de navigation
Il existe plusieurs types de carte OACI (Organisation Aéronautique Civile Internationale). Elles n’ont généralement pas le même niveau d’information et peuvent être éditées par différents organismes.
Les plus anciennes cartes ont une cartouche qui mentionne le niveau de précision (ex. 5000 pieds au-dessus de la mer ou 2000 pieds au-dessus du sol). Cependant les nouvelles cartes vont toutes de la surface de la mer jusqu’au niveau de vol FL150 ou 3000 pieds sol.
Carte OACI VFR 1/500000
C’est une carte qui ressemble à la vue relief de Google Maps. On y trouve tout un tas d’informations spécifiques à la navigation comme les cours d’eau, lignes à haute tension, antennes, rivières, autoroutes, voies de chemin de fer, mais surtout les différents espaces aériens. On verra ça dans le détail un peu plus tard.
Ces cartes sont généralement édités par IGN pour la France (Vous pouvez les visualiser sur Géoportail). Le niveau de précision étant relativement poussé, elles peuvent prendre beaucoup de place dans l’avion. Savoir les plier est un véritable art :D.
Nous traçons notre trajectoire au crayon à papier sur cette carte et nous l’utiliserons pendant le vol.
Cartes VFR 1/1000000
Ce sont des cartes éditées par le SIA (Service d’Information Aéronautique), moins détaillées et un relief beaucoup moins visible. En revanche elle prend moins de place dans l’avion. On y retrouve cependant les informations d’espaces aériens (comme sur la carte précédente), les aérodromes, les grandes villes et repères importants.
Cartes d’Approche (VAC)
Les cartes VAC (Visual Approach Chart) donnent les informations nécessaires à l’approche et l’atterrissage pour chaque aérodrome. On y retrouve les fréquences radio, les coordonnées et altitude, les pistes, les circuits, les obstacles, …
Elles sont émises par le SIA. On peut les retrouver sur le site https://www.sia.aviation-civile.gouv.fr.
Altitude et Niveau de vol
QNH et QFE
Généralement nous rentrons le QNH (pression atmosphérique en hpa) donné par l’ATIS dans l’altimètre de l’avion pour le régler correctement. Le QNH permet d’obtenir l’altitude par rapport au niveau de la mer. Le QFE donne l’altitude par rapport à l’aérodrome. Donc dans le cas d’un avion au parking d’un aérodrome à 200 pieds, si nous réglons l’altimètre sur le QNH, celui-ci affichera 200 pieds, si on le règle sur le QFE, il affichera zéro.
Niveau de vol (FL)
Puisque le QNH peut changer d’un aérodrome à un autre, il faudrait constamment recalibrer l’altimètre avec la pression atmosphérique locale. Sans ça il pourrait y avoir un risque de collision pour deux avions qui ne viennent pas du même endroit. Imaginons qu’un avion se cale sur le QNH de Marseille et qu’un autre se cale sur celui de Montpellier. Météos différentes, leur QNH sera différent. Si l’avion en provenance de Marseille vient sur Montpellier sans recaler son QNH, il pourrait se retrouver à la même altitude que l’autre avion sans le savoir, car son altimètre lui donnera une fausse information.
Pour remédier à ce problème, une autre règle rentre en jeu. Effectivement lorsque nous volons au-dessus de 3000 pieds sol, nous devons obligatoirement nous caler sur le QNH 1013 hpa. On ne parlera plus d’altitude, mais de Niveau de vol. Par exemple FL050 signifie que l’avion vole à 5000 pieds avec le QNH 1013 hpa. Les avions étant tous sur le même réglage de pression atmosphérique, ils parlent tous le même langage.
Espaces aérien
Les cartes sont découpées en une multitude de zones verticales et horizontales (en gros des volumes). Elles indiquent, entre autres, les fréquences radio à contacter.
TMA (Terminal manoeuvring area)
La TMA est un espace contrôlé autour des aéroports qui assure les approches et départs des avions. Elle est définie sur les cartes avec une fréquence radio à contacter avant de rentrer dans la zone. Ces zones sont souvent au-dessus d’une CTR. Leur niveau horizontal le plus bas est de 700 pieds sol.
CTR (Control Traffic Region)
La zone de l’aéroport que couvre la Tour de contrôle. Ce sont ceux que nous avons l’habitude de contacter. Une CTR peut se retrouver sous une ou plusieurs TMA. Cette zone se situe entre la TMA et le niveau du sol.
Erreurs à éviter en navigation aérienne
Bien choisir ses repères
Un repère doit facilement être identifiable. Une récurrence trop importante d’un repère le rend peu fiable. Une rivière unique au milieu d’une plaine est un bon repère. En revanche une rivière au milieu d’une plaine qui s’entrecroise avec d’autre rivières rend la tâche bien plus complexe.
C’est bête à dire, mais il n’y a pas de panneau là-haut. Il n’y a pas non plus le nom des routes et des fleuves comme sur Google Maps. Il faut donc être capable de déduire les noms en voyant la forme des éléments. S’entrainer sur une carte en ligne qui n’affiche pas les noms est un très bon exercice.
Essayez de retrouver le nom de la ville sur la vue satellite ci-dessous, en vous aidant de la carte VFR à côté (indice : nous avons passé Castries).
Biais de confirmation
Le plus gros danger en navigation, c’est le pilote ! Le Biais de Confirmation fait partie des facteurs humains pour lesquels il faut être vigilant.
C’est un biais cognitif humain connu. Pour faire simple, si un pilote voit un repère (par exemple une ville) et qu’il pense que c’est la ville qu’il recherche ; alors son cerveau fera en sorte de confirmer son hypothèse. Le cerveau ne traitera plus les données reçues. Il respectera le désir du pilote en lui disant « Mais oui mon petit c’est bien Montpellier ! », alors qu’il sera en train de se diriger vers Nîmes 🙂
Moralité de l’histoire, ne jamais se fier à ce que l’on croit. Au lieu de confirmer un repère seul, on privilégiera un ensemble de repères. Par exemple : « C’est la ville que je cherche, car comme sur la carte, il y a une ligne à haute tension sur la droite, et une rivière au milieu ».
Checklist de Point Tournant
Chaque étape déterminée sur la carte et reportée dans le Log de Navigation est un Point Tournant. Nous devons établir une checklist à chaque Point Tournant dans l’ordre suivant :
- Vérifier que le conservateur de cap est toujours aligné avec la boussole
- Prendre le cap
- Ajuster l’altitude
- S’occuper de la Radio (Com + Nav)
- Recalculer l’estimé sur le log de navigation
- Vérifier qu’il nous reste assez de carburant
- S’assurer que les paramètres moteur soit toujours dans le vert
- Vérifier que la météo soit toujours bonne.
Vue que cette checklist est plutôt longue, il est préférable de ne pas avoir trop de point tournant sur le Log de Navigation.
Log de Navigation (NavLog)
Le Log de Navigation est un récapitulatif sous forme de tableau qui énumère les différentes étapes de la navigation que nous avons prévues. Lorsque l’on prépare notre route, nous déterminons les caps, les temps en fonction de la vitesse, la dérive au vent, les altitudes, … Chacun de ces éléments seront inscrits dans ce fameux tableau pour nous simplifier le vol.
Pendant le vol, nous complèterons la partie Heure Estimée (HE) et Heure Réelle (HR) à l’aide de notre montre et du temps que nous avions calculé. Grâce à ça, nous pouvons prévoir lorsque nous serons au-dessus de notre prochain point.
Vol : Notre première navigation en avion LFMT <-> LFNU
LFMT vers LFNU
Au départ de Montpellier on peut déjà voir que le vol va être sport. Il y a pas mal de vent et avec beaucoup de rafales. Ça ne va pas faciliter ma navigation. Romain nous accompagne mais ne pilotera pas cette fois-ci. Pour me simplifier la tâche, Marc s’occupera de la radio.
Nous passerons par Maugio (NC), puis Castries (NE) et ensuite Sommières (N). Regarder la carte, regarder dehors, maintenir le cap, maintenir l’altitude, compenser la dérive du vent, … C’est l’enfer ! Et pourtant j’éprouve une sensation de liberté. C’est un bonheur de sortir de ces fichus tours de piste.
Au milieu de la pampa, mon instructeur me demande : « Alors, on est où ?! ». Je regarde dehors, je regarde la carte, je regarde dehors, je regarde la carte, … euh bref je suis perdu ! Je n’en ai aucune idée, il n’y a que des arbres partout. Marc me dit « Regardes, il y a une ligne à haute tension sur ta gauche, est-ce que tu la vois sur la carte ». Oui, victoire !!! Sauf que j’ai perdu 300 pieds et que je ne suis plus sur mon cap :p. Je corrige tout ça, et j’essaie d’arriver à bon port.
Une fois que j’ai l’aérodrome d’Uzès en vue, j’ai l’impression d’avoir découvert les Amériques ! :D. La piste d’Uzès est en herbe ce qui est une première pour moi et je n’ai aucun repère pour mon approche finale. C’est assez perturbant mais je me débrouille plutôt bien.
LFNU vers LFMT
Après un bon petit pique-nique sur le bord de la piste désertique d’Uzès, nous repartons en direction de Montpellier.
Nous n’avons pas préparé de Log de Navigation pour le retour, mais en réalité il suffit d’utiliser celui de l’aller et prendre le cap opposé. Donc au lieu de prendre un cap 36°, il me suffit de prendre le cap 216°.
Bon et puis honnêtement, à 3500 pieds je vois très rapidement l’étang de l’Or et peu de temps après l’aéroport. Le retour est donc bien plus simple. En plus à Montpellier nous avons la chance d’avoir la mer. Donc si je suis perdu, je n’ai qu’a aller jusqu’à la mer et suivre le littoral :p.
Le plus dur reste le pilotage avec toutes ces turbulences et le soleil en pleine face. A toujours tourner en rond, je ne me suis jamais tapé le soleil dans la figure aussi longtemps. La verrière était sale et c’était donc très dure de voir. Note pour plus tard : penser à passer un coup de chiffon avant le vol ;). En tout cas je commence à être bien fatigué de cette journée chargée en informations et émotions.
Prise de Terrain en Encadrement pour terminer
Une fois arrivé au-dessus l’aéroport de Montpellier, Marc a dû se dire que cette journée était beaucoup trop simple et me fait finir par une PTE. La ca-ta-stro-phe ! J’arrive beaucoup trop haut en final, je ne vois même pas comment je pourrai rattraper l’affaire sans dépasser la vitesse limite avec les volets sortis (ce qui peut être dangereux pour l’avion). Du coup Marc reprend les commandes et nous fait une jolie démonstration. Franchement je n’aurais pas donné un centime si on m’avait dit que c’était possible. Je vous laisse admirer son atterrissage à 25min49.
Débriefing de notre navigation
Quel bonheur ! C’est compliqué,il y a plein de choses à savoir et ce n’est que le début, mais il y a une telle sensation de liberté. Et ce privilège de voir le paysage d’un point de vue que peu de personnes ont la chance d’expérimenter. Il me tarde de repartir.
Bon il y a beaucoup de choses que je dois corriger comme bien maintenir mon altitude et mon cap, surtout quand je regarde la carte. Chose que Romain, assis à l’arrière, n’a pas loupé de me faire remarquer. Je ne vais pas le louper la prochaine fois ;).
Notre instructeur nous demande de préparer une navigation vers Millau pour le prochain vol. Je ferai l’aller et Romain fera le retour. Car le petit hic avec la navigation c’est que le vol est plus long et donc reviens plus cher. C’est aussi l’avantage de pouvoir voler à deux 😉
Coût total
- Solde précédent : 3676,94€
- 48 min de vol avec instructeur (LFMT > LFNU) : 107,20€
- 42 min de vol avec instructeur (LFNU > LFMT) : 93,80€
- Total : 3877,94€
Heures totales de vol : 20h15 min.
Atterrissage total : 67
La tecnique utilisée par Marc pendant l’atterissage s’appelle « glissade ». Manche a droite, et palonnier a gauche https://fr.wikipedia.org/wiki/Glissade
Merci Seba ! Tu fais bien de le préciser 😉
Salut François,
Je lis ton blog (un peu comme une bible) depuis que j’ai commencé mon PPL à plein temps (le mois dernier) et vais attaquer les navigations. Alors c’est tout naturellement que j’ai lu cet article avec concentration et qu’est ce que j’ai rigolé haha.
Merci pour cette mine d’informations et dose de bonne humeur !
PS: J’ai grandie à Béziers, entre Languedocien on doit se comprendre haha
Bon vol !
Merci Lucile ! Ça me fait très plaisir d’entendre ça.
Tu voles où ?